Le plan budgétaire de l’UE porterait un “coup dévastateur” à la nature

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La réorganisation budgétaire concontée par Bruxelles inquiète les défenseurs de l’environnement.

Mercredi dernier, la Commission européenne a proposé de regrouper un certain nombre de programmes de financement existants en un seul “Fonds pour la compétitivité”. Il s’agit d’une des composantes de sa proposition de budget septennal de l’UE, d’un montant de 1 816 milliards d’euros, qui a suscité la colère d’Etats membres et de groupes de la société civile.

Dans le cadre du nouveau plan, les objectifs en matière de biodiversité ne bénéficient d’aucun financement spécifique et seront en concurrence avec les autres objectifs environnementaux de l’UE, notamment le changement climatique, la sécurité de l’approvisionnement en eau, l’économie circulaire et la pollution.

Certains avertissent qu’à moins d’être clairement alloués, les fonds iront inévitablement aux projets industriels qui s’inscrivent dans la politique de compétitivité de la Commission, laissant sans financement des programmes environnementaux non rentables, mais tout aussi urgents.

“[Il existe un] réel danger que la biodiversité soit mise de côté au profit de priorités industrielles qui peuvent être présentées comme des investissements verts”, a alerté Ester Asin, directrice du bureau des politiques européennes du WWF.

L’UE accuse déjà un déficit annuel de financement de protection de la biodiversité estimé à 37 milliards d’euros, selon la Commission européenne.

Dans la nouvelle structure budgétaire proposée, le programme de financement environnemental de l’Europe, connu sous le nom de Life (l’instrument financier pour l’environnement) et doté de 5,45 milliards d’euros, fusionnerait avec d’autres fonds consacrés au numérique et à la défense pour former une cagnotte de 409 milliards d’euros destinée à la compétitivité. Les sommes précédemment allouées spécifiquement à la biodiversité ont également été fusionnées avec une cible fourre-tout “environnement et climat”.

Le montant global consacré au financement des priorités vertes augmentera, selon la Commission, car 35% du budget total, soit environ 700 milliards d’euros, seront consacrés à la réalisation des objectifs du Pacte vert de l’UE.

Environ 43% du Fonds pour la compétitivité sera consacré aux objectifs climatiques et environnementaux, a indiqué la Commission mercredi, afin de contribuer à cet objectif global.

“Je pense que ce budget aborde la question de manière globale”, a estimé Jessika Roswall, commissaire européenne à l’Environnement, auprès de POLITICO. “Nous avons beaucoup de législations [environnementales] qui sont très bonnes, mais maintenant nous devons aussi donner des résultats, et c’est exactement ce à quoi ce budget répond.”

“Je pense que ce budget aborde la question de manière globale”, a estimé Jessika Roswall, commissaire européenne à l’Environnement, auprès de POLITICO. | Guillaume Horcajuelo/EPA

Mais l’idée ne fait pas l’unanimité.

“C’est un coup dévastateur pour la nature en Europe et ses citoyens”, a déclaré Anouk Puymartin, de Birdlife Europe, dans un communiqué, avertissant que la biodiversité “perd sa place dans le budget de l’UE sans financement spécifique ni priorité claire”.

Comment les objectifs de durabilité sont intégrés

Avec la nouvelle structure budgétaire, la Commission souhaite que la protection de l’environnement soit considérée comme une question horizontale plutôt que comme une priorité financière indépendante.

La structure “veillera à ce que les priorités horizontales soient appliquées de manière cohérente dans l’ensemble du budget de l’UE, notamment en ce qui concerne le climat et la biodiversité, le principe ‘ne pas causer de préjudice significatif’, les politiques sociales et l’égalité femmes-hommes”, est-il écrit dans le document budgétaire.

Le principe “ne pas causer de dommages significatifs” stipule que les politiques et les fonds de l’UE ne doivent pas avoir d’impact négatif sur ses six objectifs environnementaux, qui incluent la protection et la restauration de la nature.

“Ce qui importe maintenant, c’est la manière dont la durabilité est intégrée dans la gouvernance et la structure du budget de l’UE”, a souligné Cornelius Müller, policy officer pour la Sustainable Banking Coalition, un lobby de la finance verte. “L’UE doit intégrer ces principes dans tous les instruments financiers.”

Mais certains estiment qu’il est essentiel de conserver une partie du financement axée sur la nature.

Ester Asin, du WWF, appelle à des “méthodologies de suivi robustes et transparentes”, sans lesquelles l’objectif de 35% risque de “devenir un simple exercice de relations publiques”.

Dans la structure budgétaire actuelle, en plus de la cible de 30% des dépenses liées au climat, 7,5% des dépenses annuelles devaient être allouées aux objectifs de biodiversité en 2024, pour atteindre 10% en 2026 et 2027. La nouvelle proposition ne prévoit aucun objectif en matière de biodiversité.

Il n’y a pas non plus de fonds spécifiquement alloués à la résilience de l’eau, l’une des principales préoccupations de Bruxelles selon ses priorités pour la période 2024-2029. Certains Etats membres parmi les plus touchés par le stress hydrique, comme l’Espagne et le Portugal, ont demandé que davantage de moyens soient consacrés à la résilience de l’eau et à la gestion des risques.

Cet article a d’abord été publié par POLITICO en anglais et a été édité en français par Jean-Christophe Catalon.

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