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BRUXELLES — La Commission européenne réfléchit à prélever des taxes sur le numérique pour collecter les recettes nécessaires au remboursement de sa dette post-Covid de 350 milliards d’euros, selon un document interne vu par POLITICO.
Cette idée controversée pourrait toutefois mener l’Europe à la confrontation avec les Etats-Unis, si elle est considérée comme une mesure de rétorsion contre les droits de douane de l’administration Trump.
Une taxe sur le numérique viserait de manière disproportionnée les géants américains de la tech, tels qu’Apple et Google. Des pays comme l’Italie et l’Allemagne, qui dépendent fortement des échanges commerciaux avec Washington, s’y opposent.
La Commission a suggéré cette option en amont d’une discussion entre les 27 commissaires mercredi sur le prochain budget de l’UE pour la période 2028-2034.
“Parmi les ‘candidats’ possibles, il y a un prélèvement/une taxe sur le numérique, étant donné les difficultés à atteindre un accord sur la proposition basée sur le pilier 1 de l’accord de l’OCDE”, ont écrit la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, et le commissaire au Budget, Piotr Serafin, dans une note avant la réunion, vue par POLITICO.
En 2021, la Commission a renoncé à une taxe sur le numérique à l’échelle de l’Union afin de faciliter un accord mondial qui, depuis, n’a pas abouti. Toutefois, Ursula von der Leyen a également évoqué la perspective d’une taxe sur le numérique si les négociations commerciales en cours avec les Etats-Unis échouent après un sursis de quatre-vingt-dix jours qui expire en juillet, ce qui pourrait rendre la mesure encore plus délicate.
Indépendamment de tout plan de représailles, à une époque où les budgets nationaux sont serrés sur de nombreux fronts, l’Union européenne est confrontée à une véritable pression pour rembourser sa dette commune de 350 milliards d’euros, qui a été émise pour financer le plan de relance de l’UE après la crise Covid.
Les remboursements devraient commencer en 2028 et coûter entre 25 et 30 milliards d’euros par an, soit 20% du budget annuel de la Commission.
Depuis, de nombreuses idées ont été émises pour trouver les fonds nécessaires. En 2021, par exemple, la Commission a proposé de payer cette dette en prélevant de nouvelles taxes sur les importations carbonées, les émissions de gaz à effet de serre et les profits des multinationales dans le cadre de l’accord de l’OCDE.
Les gouvernements nationaux se sont toutefois opposés à cette proposition, ce qui a poussé les responsables européens à chercher d’autres idées.
La Commission informera les experts nationaux des différentes options le 22 mai, selon un diplomate de l’UE.
La Commission a écrit dans la note interne que la taxe sur le numérique “pourrait être complétée par une taxe sur les e-déchets [des déchets d’équipements électriques et électroniques], non collectés ou recyclés”, ainsi que par des droits de douane pour les petits colis importés et des taxes sur les voyageurs entrant dans l’UE.
La question des régions
L’enveloppe globale de l’UE, d’une valeur de 1 200 milliards d’euros, englobe tout, des subventions agricoles à l’aide étrangère, et est on ne peut plus sensible sur le plan politique.
Alors que la proposition de la Commission sur le nouveau budget sera présentée le 16 juillet, les négociations entre les poids lourds de l’exécutif européen s’intensifient.

Mercredi, la Commission a édulcoré ses projets de réforme radicale du fonctionnement du budget.
Dans un changement significatif, l’exécutif européen a signalé que les régions continueraient à jouer un rôle clé dans le cadre du prochain budget pluriannuel de l’Union (CFP), selon une autre présentation interne de la Commission en amont de la réunion de mercredi dont POLITICO a pris connaissance.
Ce changement est une concession au Parlement européen et aux principaux Etats membres, dont la Pologne et l’Espagne qui se sont opposées aux projets visant à donner plus de pouvoir aux gouvernements nationaux au détriment des régions.
La question est sensible politiquement, car les régions jouent un rôle clé dans la gestion des fonds de cohésion, qui visent à réduire les inégalités entre les zones géographiques et représentent un tiers de l’enveloppe globale de l’UE.
Les critiques ont affirmé que mettre à l’écart des régions rendrait les dépenses de l’UE moins efficaces et nuirait à la capacité à rendre des comptes démocratiquement.
“Au lieu de parler d’un ‘plan national unique’, nous devons plutôt parler de ‘plans de partenariat national et régional’”, écrit la Commission dans sa présentation.
On peut dire que c’est un rétropédalage par rapport à l’intention d’Ursula von der Leyen de mettre en place “un plan pour chaque pays liant les réformes clés aux investissements” dans sa lettre de mission adressée au commissaire Serafin en septembre.
Cet article a d’abord été publié par POLITICO en anglais et a été édité en français par Jean-Christophe Catalon.