ARTICLE AD BOX
Le Parlement européen envisage de révoquer l’accès de tous les groupes d’intérêt liés à Amazon, selon une note interne consultée par POLITICO.
Il s’agirait d’une escalade majeure dans le conflit sur les conditions de travail dans les entrepôts d’Amazon qui a déjà conduit le Parlement à retirer les badges d’entrée des lobbyistes de l’entreprise début 2024.
Des eurodéputés estiment que le géant de la tech ne rend pas suffisamment de comptes sur ses pratiques controversées en matière de conditions de travail. Face à cette situation — et aux affronts répétés d’Amazon —, le document interne présente des options afin que la commission de l’Emploi du Parlement européen puisse réagir.
Parmi celles discutées lors d’une réunion mardi figure “la recommandation […] d’une extension de l’interdiction actuelle du lobbying au Parlement européen afin d’inclure les sociétés de lobbying tierces représentant les intérêts d’Amazon, et pas seulement les employés d’Amazon”, peut-on lire dans la note.
Une telle mesure augmenterait considérablement les enjeux en menaçant l’accès des lobbyistes appartenant à des dizaines de groupes d’intérêt et d’organisations dont Amazon est membre ou affiliée à Bruxelles, y compris de puissants lobbies de la tech, tels que DigitalEurope, CCIA Europe ou ITI.
Deux responsables au Parlement, à qui l’anonymat a été accordé pour révéler les détails de la réunion à huis clos, affirment qu’aucune décision formelle n’a encore été prise.

Malgré les restrictions actuelles, le géant américain a toujours pu rencontrer des députés européens à leur invitation. L’ONG Transparency International a recensé au moins 64 réunions depuis le début de la nouvelle législature l’année dernière.
Les parlementaires de la commission se sont également demandé s’il fallait “demander à la Commission européenne de revoir les marchés publics attribués à Amazon”, tout en reconnaissant que “la plupart, sinon la totalité, de ces contrats concernent des services web et ne relèvent donc pas directement de la compétence de la commission [de l’Emploi]”.
Une autre option évoquée lors de la réunion consiste à organiser une nouvelle audition publique d’Amazon par la commission.
En juin, le Parlement a désinvité de hauts cadres de la société à une audition sur les conditions de travail dans les entrepôts, les élus estimant que les intervenants proposés n’occupaient pas des postes assez élevés pour répondre de manière crédible aux accusations visant l’entreprise.
L’audition était censée ouvrir la voie à une trêve, après que l’institution a observé une série d’absences similaires, et était une chance pour Amazon de récupérer ses badges pour ses lobbyistes, selon des communications internes vues par POLITICO.
Amazon avait proposé d’envoyer Stefano Perego et Lucy Cronin, respectivement vice-présidents des opérations et de la politique publique de l’UE, mais les parlementaires n’ont pas été impressionnés.
“Nous avons accueilli des représentants d’Amazon à l’audition ; à condition qu’ils représentent un niveau de management suffisamment élevé”, a déclaré Li Andersson, la présidente de gauche de la commission, à POLITICO à l’époque, avant la réunion.
La responsabilité de l’entreprise face à ses pratiques controversées en matière de travail “se situe aux plus hauts niveaux de la structure managériale d’Amazon”, a estimé Li Andersson, citant la résistance aux syndicats et les pratiques de surveillance invasives.
Amazon a tenté d’éviter un nouvel affrontement public avant la réunion de juin en demandant de l’aide à la présidente du Parlement, Roberta Metsola. Ils lui ont proposé une réunion à Washington avec l’un des hauts dirigeants convoités d’Amazon, selon une lettre obtenue par POLITICO.
Dans une déclaration à POLITICO, Sarah Tapp, porte-parole d’Amazon, indique que : “Nous espérons que le Parlement européen laissera la place à des voix modérées et à des discussions basées sur les faits, axées sur l’industrie de la logistique de manière plus générale et reflétant les contributions d’Amazon à l’économie et à la société européennes.”
Elle ajoute qu’“Amazon continue d’avoir accès au Parlement européen, donc les informations répétées dans la presse alléguant le contraire sont factuellement incorrectes”.
Cet article a d’abord été publié par POLITICO en anglais et a été édité en français par Jean-Christophe Catalon.